Rap, une culture toxique ou un témoignage de violence ?
Par Victor
Publié le 5 décembre 2022
illustration de fefe
Le rappeur étatsunien Takeoff, surtout connu pour avoir été un des trois membres du groupe Migos, est décédé le 1er Novembre lors d’une soirée d’Halloween à Houston, au Texas. L’incident est survenu à la suite d’une altercation qui aurait éclaté lors d’un jeu de dés pendant la soirée. D’après la police locale, l’altercation aurait dégénéré et se serait terminée par une fusillade entre deux individus. Plusieurs balles ont touché le rappeur, qui n’était néanmoins pas la cible des tirs. Le suspect principal est un local de 16 ans nommé Joshua Cameron qui fut détenu par la police de Houston le 26 Novembre. La mort de l’artiste n’est pas la première dans la communauté du rap récemment. PnB Rock, Pop Smoke, Nippsey Hussle et XXX Tentacion font partie des victimes les plus proéminentes de fusillades fatales de ces dernières années, mais « l’épidémie », comme certains la décrivent, de rappeurs abattus remonte à l’époque de Tupac Shakur et Notorious B.I.G, morts en 1996 et 1997. Pourquoi tellement de rappeurs meurent-ils de cette façon et pourquoi évoque t-on le terme d’épidémie?
A première vue la cause semble assez évidente: tous sont issus de milieux de pauvreté, tous sont familier avec la criminalité et les gangs depuis leur enfance et tous sont noirs. La stigmatisation des minorités est un phénomène avec lequel tout le monde devrait être familier. Par conséquent, le premier instinct d’une personne fermement opposée au Hip-Hop est souvent de rejeter la mort de ces artistes sur eux mêmes, puis ce qu’ils ont tendances à « glorifier » la violence, la criminalité et la vulgarité dans leurs chansons. Leurs morts refléteraient ainsi l’image qu’ils diffusent d'eux-mêmes et seraient donc de leurs propres fautes. Braqué et tué pour ses bijoux? Il n’avait qu'à ne pas les afficher si publiquement, bien sûr. Chassé après avoir mis une story sur Instagram? Ils auraient dû savoir qu’il ne fallait pas publier son emplacement actuel. Abattu après un jeu de dés? C’était son choix de jouer. On a déjà assez souvent entendu parler de ce « victim blaming ». Que se soit dans le cas de la femme qui a bien cherché à se faire violer parce sa jupe était trop courte ou celui de l’immigré qui n’avait qu’à rester dans son pays pour ne pas se faire harceler en public. Dans le cas du Hip-Hop, ces individus n’avaient alors qu’à échapper de ce milieu toxique dans lequel ils ont grandi à la place de le promouvoir. Néanmoins, le Hip-Hop ne serait-il pas plutôt un témoignage? Un témoignage d’un système qui systématiquement laisse tomber ses minorités aux injustices de l'État qui est censé s’en occuper? Ces injustices peuvent arriver de plusieurs manières différentes. Que ce soit des cas incroyablement évidents, comme les violences policières subies à une telle régularité qu’elles mènent à des émeutes d’une échelle internationale comme acte de dernier recours pour protester et se défendre, ou simplement lorsqu’il s’agit de défavoriser lors de la recherche d’emplois les minorités à cause de la couleur de leur peau et non le contenu de leur caractère. Quand vous êtes plus vulnérable à d’innombrables désavantages sociaux à cause de la couleur de votre peau et donc plus susceptible de vivre sous le seuil de pauvreté, n’êtes vous alors pas aussi plus vulnérable à l’illégalité comme dernier recours pour vous occuper de vous-même et votre famille? En fonction de qui on interroge, surtout aux États-unis, tous ces facteurs comme les chansons, les vidéos ou l’affichage public, promeuvent une culture du rap toxique, dangereuse et sont des contributeurs actifs des violences par arme à feu aux États-Unis. Pour citer Éric Zemmour il y à 14 ans: « Le rap est une sous culture d’analphabètes ». Si cette « sous culture » est tellement choquante pour eux et beaucoup d’autres d’ailleurs, qu’ont ils à dire sur le fait que cette culture est une triste réalité pour des millions de personnes depuis des décennies et qu’ont ils fait à part tenir des propos stéréotypiquement racistes et xénophobes sur eux? Tupac lui-même en a témoigné dans plusieurs chansons. “Changes”, probablement l’exemple le plus connu qui parle de tout; la nécéssité de voler pour se nourrir, la distribution de drogues par le gouvernement dans des quartiers appauvris pour légitimer la “guerre contre les drogues”, l’idée que la seule chose pire que d’être pauvre est d’être pauvre et noir, l’incapacité de se faire entendre en tant que minorité, le fait que les prisons de toute facon déjà surpeuplées sont majoritairement remplies d’Afro - Américains ( qui représentent 13% de la population du pays mais 38% de la population pénintentiare) et bien plus. La chanson fut publiée en 1998. Juge t-on Monsieur Shakur analphabète à cause de ces textes ou plutot parce qu’il est noir, tatoué et qu’il porte des bijoux? Il n'était pas le seul, ni le premier. N.W.A, souvent jugé comme les premiers "gangsta rappers” parlaient déjà de violences policières en 1988 avec leur chanson “Fuck tha police”, une chanson qui aura sans doute inspiré les émeutes de Los Angeles de 1992, similaires à celles de George Floyd en 2020, testament qu’avec le temps, il ne semble pas avoir eu énormément de “changes”.
Quelle est la différence entre un clip musical de rappeur et un film où une série d’Hollywood? Le contenu peut très bien être le même, seul l’environment passe de noir à blanc. Car les thèmes suggérés ne reçoivent pas la même perception dans un contexte différent. Euphoria, Breaking Bad ou Elite sont des séries accueillies avec enthousiasme par les critiques, qui parlent toutes de thèmes similaires à ceux dans les chansons de rap, sans recevoir le même mépris que ce dernier.
Si Hollywood ne contribue pas aux violences par arme à feu, pourquoi est-ce différent avec le Hip Hop? Ne serait-il pas plutôt une des très nombreuses victimes de ces violences et non un contributeur? Pourquoi préfère-t- on caser ces minorités dès leurs naissance, au lieu de vouloir regarder plus loin que ce qui est évident? Les rappeurs sont eux même une minorité au sein de la communauté Afro - Américaine, que ce soit avant où après avoir gagné de la popularité musicale. Malheureusement, les difficultés restent souvent les mêmes pour qui que ce soit dans cette communauté et ne sont mises en avant que quand une célébrité importante comme Takeoff est abattue. Quand on ne distribue pas les mêmes cartes à tout le monde, qui est coupable : celui qui a « triché » pour s’en sortir ou celui qui a distribué les cartes?