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DÉMOCRATIE

Par Adrian Yeghiazaryan 
Publié le 19 oct. 2021

«Les bananes sont bleues»

 

Osez contredire cette affirmation en utilisant la raison et vous aurez perdu d'avance. 

 

Car, voyez-vous, le vrai peuple pense autrement, dans ce pays. Et ce n’est pas un arrogant de votre sorte qui, n’ayant jamais vécu aux côtés du vrai peuple, peut se permettre de ne pas prendre au sérieux son représentant. D’ailleurs, la démocratie, -se feront t-ils un plaisir de vous le rappeler-, c’est savoir respecter les idées de chacun. Tenteriez-vous d’imposer une pensée unique aux autres ? Non, bien-sûr que non. Alors laissez-moi continuer. Il paraît évident que vous et votre clique corrompue n’êtes pas au courant de ces choses, puisque du haut de vos palais, vous ne côtoyez pas le vrai peuple. 

Vous direz que tout cela n’a rien d’inquiétant, qu’aucun clown ne pourrait faire croire une telle absurdité sur les bananes à une large partie de la population. Très bien, visons mieux. Un groupe subissant déjà certains préjugés et développant, par ses différences culturelles, une certaine méfiance auprès d'une partie de la population. Vous venez de trouver là votre récit féerique décrivant tous les maux du vrai peuple. 

Si vous gagnez, il en suivra violence, autoritarisme, uniformisation du discours public et, pour les rares courageux qui refuseraient de porter cet uniforme : arrestations, jugements et harcèlement. La répression des ennemis du vrai peuple, ou la mise en silence de tout élément intellectuel qui agit encore selon sa raison.

Mais non, ils n'oseraient pas. Tu paranoïes. C'est impossible.  

Ece Tamelkuran, journaliste turque en exil, raconte dans son livre Comment conduire un pays à sa perte, du populisme à la dictature, la progressive, discrète mais totale transformation de son pays, et comment les événements ayant pris place chez elle constituent un phénomène tendance dans le monde. 

Sur le fond, un grand flou. Réponse aux défis à venir ? Aucune. Si ! Sauver nos traditions de leur dilution dans la société mondialisée. Car si ces mouvements n'offrent d'autre réponse que la division, ils sont bien une réaction à des décennies de libéralisme poussé à l'extrême qui pose de nombreuses questions : stagnation sociale mais enrichissement sans limites d’un cercle restreint, mépris du droit international par les puissants sans condamnation, dérèglement climatique mais sur-consommation, (...). La liste est longue; retenons urgence, mais inaction. 

Les vrais dangers sont exposés devant nos yeux, et pourtant, tout cela paraît importer peu. 

À la fin des années 1980, le libéralisme prenait sa victoire sur l'ennemi communiste. Dans le monde entier, a-t-on pensé, le marché libre allait résoudre les problèmes : la fin des guerres, des conflits et des différences. La fin de l'histoire, qu'ils disaient. Force est de constater que, 30 ans plus tard, l'histoire est loin d'être terminée.

À cette époque, l'intérêt des individus, défini par le modèle néo-libéral, a été et reste jusqu’à aujourd’hui placé dans la seule et unique consommation. On observe en effet que, malgré toutes les problématiques auxquelles nous faisons face, nous semblons être peu volontaires pour renoncer au confort que nous offre ce mode de vie. Nous nous réconfortons, parce que de toute façon, à l'échelle individuelle, on ne fait pas la différence. La vérité, c’est qu’il est plus facile de s'enfermer dans le divertissement et de ne plus y penser. Il arrive, lorsque le climat médiatique global le permet, que l’opinion publique se saisisse de questions clés et dénonce des injustices, jusqu’à ce que le sujet finisse en arrière-plan, éclipsé dans les coulisses de la scène politique. Des moments de remise en question qui passent aussi vite que des effets de mode. Des effets secondaires de ce stupéfiant marché duquel nous sommes tant dépendants. 

En continuant sur cette ligne, il semble pourtant peu probable que le futur ressemble à quelque chose - du moins à quelque chose de plaisant. Cet apolitisme laisse un vide identitaire dans lequel les engagés de ce monde n’ont aucun mal à se faire une place. Face à notre inactivité, ils s'imposent comme une alternative concrète, un projet : la cause. Ils ne sont pas seulement des partis politiques et des beaux parleurs; ils sont des mouvements armés de théories qui mènent le combat du nous face au je. C'est leur force, et soyez-en sûrs, ils sont prêts à tout pour mettre en pratique la perception qu’ils ont de la nation idéale, la cause du vrai peuple. 

Populisme de droite, islamisme, expansionnisme de la Chine et multiplication des dictateurs décomplexés… Et nous ? Allons-nous laisser cette obscurité prendre le dessus sur le monde ? Alors que notre précieuse démocratie s’effrite, ne serait-il pas temps, hommes et femmes, jeunes et anciens, noirs et blancs, de prendre conscience que la politique finira de toute façon par s'imposer dans nos vies et qu'il faut, au plus vite, commencer à dessiner les contours de notre futur ? 

En septembre 1938, la France et l’Angleterre signaient, pour éviter une guerre contre l’Allemagne d’Hitler, les accords de Munich : la Tchécoslovaquie, pourtant liée à la France par une alliance, fut sacrifiée pour une paix illusoire. La suite, vous la connaissez. Si vis pacem, para bellum, « si tu veux la paix, prépare la guerre. ». Apprendre du passé et ne pas répéter Munich. Il est question de défendre, partout où elles existent, nos convictions et nos valeurs devant ceux qui les méprisent, et de construire une identité commune et politiquement organisée qui nous permettrait d’agir ensemble et de gagner dans cette crise que l'humanité commence à peine à entrevoir.

Par Adrian Yeghiazaryan

À voir : 

 

Oskar Freysinger par Yann Lambiel : Les bananes bleues - https://www.youtube.com/watch?v=zSpVrzrn-4w

 

Sur la corruption au plus haut niveau des institutions démocratiques européennes par des puissances étrangères : Le caviar connection, le pouvoir de l’argent - https://pages.rts.ch/docs/histoire-vivante/12407351-le-pouvoir-de-largent-12.html

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