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Kralovèc ou deux référendums

Par Zusanna
Publié le 25 octobre 2022

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C’est un fait: dans un plébiscite récent, la République Tchèque à gagné Kaliningrad avec une vaste majorité de 98% de votes. Après tout, elle y a un droit historique: le nom de la région vient d’un roi tchèque et l’opinion publique se réjouit d’avoir enfin accès à la mer. L’idée d’un joli endroit pour aller en vacances plaît aux Tchèques, pourquoi alors ne pas simplement s’approprier le territoire? Mais du calme: cette annexion-ci s'est surtout passée sur Twitter. En même temps, je dois dire que cette innocente plaisanterie est devenue beaucoup plus sérieuse qu’on aurait pu penser: Královecký kraj à maintenant non seulement un nouveau nom, mais aussi un site web officiel, le soutien de politiciens tchèques (également par Twitter) - y compris le ministre de la défense - et des diplomates étrangers (les États-Unis ont par exemple offert un bon prix pour un porte-avions). De plus, il y a déjà beaucoup d’idées pour des noms de navires (d’après des chanteurs tchèques célèbres, comme Karel Gott) et, enfin et surtout, une abondance de memes internet et un enthousiasme considérable de la part de la population tchèque. Il est important de noter que la légitimité de ce plébiscite ne semble pas être moindre que celles des votations des régions de Donetsk et Lugansk.

 

Faisons une comparaison rapide. Soutien démocratique ? Dans le cas des districts ukrainiens, il y avait beaucoup d'opposition visible - enfin, si on ne peut pas qualifier ainsi la volonté de mourir pour défendre militairement les régions, on se demande ce qui passe pour une opposition de la population. Et à Kralovec ? On n'a pas entendu grand-chose de la part des Russes locaux. D’après le résultat de la votation, il semblerait même qu’ils aimeraient bien être citoyens tchèques. Examinons donc la méthode d'organisation du vote. La République tchèque l'a fait en douceur, sans la moindre turbulence. Quant au référendum russe, disons qu’il semble avoir eu besoin d'un coup de pouce de la part de militants armés encourageant les habitants à voter et les surveillant avec attention pendant qu’ils le faisaient. Oh, et n'oublions pas un autre aspect important de la légitimité : le soutien international. Nous avons vu au moins deux pays étrangers réagir avec enthousiasme à l'annexion de Kaliningrad par la République tchèque. Le dirigeant russe compte aussi quelques alliés, mais il y a quelque chose de plus dans son cas : un vote de l'ONU condamnant massivement l'annexion...

 

Si, effectivement, il n’y a pas une grande différence juridique et politique entre les deux annexions, qu'est-ce qui les rend si distinctes, si opposées l'une à l'autre? Pourquoi la Russie qui annexe des parties de l’Ukraine est tout simplement un fait, tandis que quand la République Tchèque s’approprie une enclave russe, ce n’est qu’une blague sur internet? La réponse est plutôt banale. Après tout, il n’y avait aucun soldat tchèques te regardant quand toi, humble résident de Kaliningrad, tu jettes ton bulletin dans l’urne. Pas de menaces d’enlèvement, aucune inquiétude à propos des déportations ou des conséquences comme la perte d’ emploi si tu ne votes pas « correctement ». Indépendamment de l’indignation de nos politiciens, c’est malheureusement toujours la violence qui décide de la réalité internationale. C’est seulement grâce à la visibilité de ce crime qu'on peut encore avoir l’espoir d’un changement pour le mieux. Parce que l'Ukraine à la chance d’avoir reçu un peu d'intérêt international, un peu de l’attention de la presse et de leaders mondiaux - il se peut que la loi ait encore le dessus sur la violence.​ D’un moment à l’autre en tout cas. Sinon aujourd'hui, peut-être demain, ou du moins un jour.

illustration de fefe 

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