La démocratie en débat
Par Carla
Publié le 1 novembre 2022
Dans une des circonscriptions pour les élections cantonales de Zurich, le 12 février, 12 pour cent des votants se sont prononcés pour le parti des verts libéraux (PVL), tandis que 11 pour cent ont donné leur voix aux libéraux radicaux (PLR). Mais selon l’état actuel de la nouvelle législature 2 des 12 députés dans le conseil cantonal de la circonscription concernée seront membres du PLR. Le PVL n’aura finalement aucune représentation dans la circonscription à partir de 2024. Comment cela se fait-il ?
La raison s’appelle Isabel Garcia. La politicienne zurichoise était membre des verts libéraux depuis 2007. Elle est élue au conseil municipal depuis 2010 et siège au conseil cantonal depuis 2021. Fin février, elle est passée du PVL au PLR. Ce qui étonne est le moment du changement, 11 jours après l’élection pour le conseil cantonal où elle a été réélue sur la liste du PVL.
Cette décision a des implications pour le conseil entier. L’alliance pour le climat (Parti Socialiste, Verts, Verts libéraux, Parti évangélique et la liste alternative) aurait eu 91 des 180 sièges et les autres partis (Parti libéral-radical, le Centre, Union démocratique fédérale et Union démocratique du centre) 89. Le conseil se retrouve donc en situation de blocage - 90 et 90. Garcia, également présidente de l’association « Secondas », une plateforme pour les thèmes autour de la migration, explique au journal « Neue Zürcher Zeitung » : « Pour moi, cette élection a été l'occasion de faire un bilan approfondi et sans complaisance. » La politique fiscale et la position économique du PLR ont selon la politicienne causé son changement.
Les réactions ne se sont pas faites attendre. L’association Campax a lancé une pétition qui exige la démission de Garcia du conseil. 3650 personnes l’ont signé. Sur les réseaux sociaux elle était qualifiée « fossoyeuse de la démocratie » et dans les rues de Zurich se trouve un drapeau qui la qualifie d’« antidémocrate ». L’ancien collègue de Garcia et co-président des verts libéraux de Zurich, Nicola Foster, exige la restitution consensuelle du siège avec le commencement de la nouvelle législature. En même temps il désigne les réactions extrêmes comme injustifiables. Garcia elle-même se dit prête à discuter avec son ancien parti. Mais elle affirme dans l’interview avec la NZZ : « Je m'en tiendrai à mon mandat. »
Une motion de l’union démocratique fédérale veut légiférer qu’en cas de changement de parti qui signifie un changement des majorités dans le conseil le siège serait attribué au premier candidat de remplacement du parti lésé. La proposition sera discutée dans le conseil lors d'une des prochaines conférences.
La sous-représentation de certains votants et la surreprésentation des autres peut donner lieu à une réflexion générale sur la représentation dans notre système électoral. Par exemple lors des votations à double majorité la représentation de la majorité et celle des petits cantons entre en conflit. Dans les décisions du conseil des états le vote d’une personne d’Uri compte comme les votes de 38 Zurichois. Cet écart s'est aggravé fortement depuis la fondation de la Confédération et va s’agrandir dans le futur au rythme du développement démographique.
Au conseil national, qui vise à la représentation proportionnelle, la population du canton de Zurich de 1,58 millions vote pour 35 – à partir de 2024 36 - conseillers et conseillères. Cependant Appenzell Rhodes-Intérieures qui compte 15 milles personnes et par conséquent est plus que 100 fois plus petit que Zurich décide qui prend place sur un des 200 sièges, un nombre fixé il y a plus de 100 ans. Le vote d’un Appenzellois compte ainsi autant que ceux de trois Zurichois.
En plus du débat sur la représentation de l’électorat actuel des discussions sur la constitution de cet électorat ont lieu. Est-ce que les personnes sans nationalité suisse ou une partie entre eux, par exemple ceux qui habitent dans le pays depuis longtemps devraient avoir le droit de vote ? Dans la population permanente de la Suisse de 8,7 millions, 2,2 millions - un quart des résidents – n’ont pas la nationalité suisse et par conséquent pas le droit de vote national. Parmi eux 1,4 millions ont l’autorisation d’établissement, qui est attribuée après 5 ou 10 ans de séjour dans le pays.
Des changements d’électorat sur les niveaux cantonaux et communaux ont cependant eu lieu dans les dernières années. Dans les cantons du Jura et de Neuchâtel, le droit de vote partiel pour les étrangers au niveau cantonal est déjà en place. Les étrangers ont le droit de vote communal à Genève, Fribourg et Vaud en addition du Jura et Neuchâtel. Aux Grisons, Appenzell Rhodes-Extérieures et Bâle-Ville les communes peuvent également attribuer le droit de vote aux étrangers.
Est-ce qu' on devrait pouvoir voter avant 18 ans ? Le droit de vote cantonal en Glaris, par exemple, est attribué à partir de 16 ans. Des initiatives au niveau cantonal et même national pour l’obtention du droit de vote à 16 ans ont été lancées et sont en discussion.
La démocratie directe de la Suisse, une des caractéristiques le plus permanente et reconnue du pays, est en même temps en changement perpétuel. Pour un exemple, il ne faut pas regarder plus loin qu’en 1971 quand les femmes ont obtenu le droit de vote en Suisse. Est-ce qu’un tel changement de législature sera fait à Zurich en réponse au cas Garcia ? Les évolutions passées et les tensions et débats actuels montrent que ce qui est démocratique aujourd’hui pourrait bien être vu comme antidémocratique dans le futur. Zurich se trouve à un tel moment de rupture.