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Année sympathique

Par Licia
Publié le 20 avril 2022

Il y a un peu plus d’un an, face à des cahiers de médecine dont l’intérêt m’était chaque jour un peu plus étranger, j’ai pris conscience que je m’étais trompée. Trompée de voie. Après quelques larmes pour ce rêve d’enfant que j’acceptais enfin de laisser à ce qu’il était, un rêve,​​ et non plus un projet de vie pertinent pour la personne que j’étais devenue, à commencé la démarche de construire une année hors du cadre scolaire. Mon année sympathique.

illustration de fefe 

L’année de césure ou année sabbatique, pratiquée par la majorité des jeunes dans certains pays nordiques, reste encore un vilain canard pour de nombreux pays occidentaux. La France en est un bon exemple. Selon une étude menée par le Figaro, 50% des jeunes français aimeraient prendre une année de césure pour seulement 15% sautant le pas. Pourquoi une aussi grande divergence entre envie et concrétisation ? Tout d’abord, une source de réponse peut sûrement se trouver au sein du mal aimé algorithme de Parcousup. Ce logiciel est la voie d’accès pour les jeunes lycéens au monde du supérieur. Les futurs bacheliers ont la possibilité de faire jusqu'à 10 vœux de formations avant de savoir début juin si leur formation souhaitée les a acceptés. Bref, d’expérience, un moment vraiment pas très chouette.

Mais alors, pour ceux qui, à même pas 18 ans, n’arrivent pas à se projeter plus loin que leur dernière épreuve de BAC, on fait comment ?

Notre très cher ami Parcoursup a bien sûr pensé à eux ! En effet sur la plateforme existe la possibilité de cocher l’option année de césure et là, sous condition d’acceptation par les formations en question, le lycéen à une place réservée pour l’année suivante dans son vœu définitif. Une solution qui semble donner une vraie possibilité aux étudiants français de prendre une pause avant de se lancer dans le monde du supérieur et pourtant…Cette manière de faire peut, pour bien des élèves, ne pas être une solution, surtout quand l’année de césure est voulue dans une perspective réflexive, de questionnement sur soi-même et ses envies d’études. Le fait de choisir avant même de partir en césure peut sembler bien paradoxal…Et très probablement vider d’une certaine manière pour certains élèves la substance de cette année sabbatique. 

 

Si l’on compare à d’autres pays comme la Suisse, au niveau des institutions comme des mentalités la perception n’est déjà pas la même.

Premier jour à l’Université de Genève, je discute avec mes nouveaux camarades de classe. Au fil des présentations, je comprends que la plupart des élèves autour de moi ont tous autour de la vingtaine. Tous ces élèves qui finissent leurs études secondaires à 19 ans, un an plus tard que nous français, et en plus ils se permettent de ne pas commencer l’université tout de suite ?! De quoi faire dresser les cheveux sur la tête à l’enseignement supérieur français.

Il est vrai qu’il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour comprendre que, en Suisse, la relation à l’année de césure n’est pas la même. D’une admission sur dossier sans logiciel tarabiscoté x années après avoir sa matu(ou son bac) à la possibilité de se désinscrire et ce jusqu’à la mis-octobre(et même changer complètement de voie au sein d’une même université) sans  aucune conséquence dramatique sur nos futures possibilités d’études, les universités suisses nous laissent du temps. Pour se rendre compte qu’on s’est  trompé. Changer d’idée. Décider qu’on est peut-être pas encore prêt à choisir. Bref, on nous laisse avoir 19 ans.

C’est le recteur de l’université lui-même qui nous a expliqué, lors de la réunion de rentrée, que ceux qui prenaient une année de césure réussissaient souvent mieux que les autres étudiants leur première année d’université. Pourquoi cela ? Très souvent, parce qu’après un an ou plus loin des bancs d’école ces gens savent ce qu’ils veulent faire.  Et quand on ne doute plus de la voie dans laquelle on s’est engagé, il est moins difficile de se mettre au travail et de se donner les moyens de sa réussite.

 

Pour finir se pose la question des possibilités qui s’offrent aux jeunes courageux qui quittent la conformité des études. Avec mes amis, nous avons été nombreux à abandonner nos études au cours de notre première année universitaire. Du haut de nos 18 ans, on a refusé de s’empêtrer dans une voie qui n’était pas la nôtre.

Mais que faire quand on a à notre disposition plusieurs mois de liberté. Les réponses autour de moi ont été aussi diverses que les personnes qu’elles concernaient.

Une de mes amies a décidé de travailler à temps plein pour gagner en indépendance vis-à-vis de ses parents et pouvoir se payer de belles vacances d’été. Une autre a décidé de juste prendre ce temps. Pour elle. Pour toutes les choses qu’elle ne peut pas faire quand les cours l’accaparent. Pour ma part, je suis montée dans un avion à destination du Cambodge. Pour 6 mois. Loin de mon chez-moi, de ma famille, de mes amis et de mon copain. Une des expériences les plus folles de ma vie.  Au lieu d’apprendre à réparer les humains, j’ai tenu compagnie à des éléphants en plein milieu de la forêt du Mondulkiri, j’ai appris l’anglais, j’ai fait du train en bambou, j’ai vu des singes siroter leurs cannettes de bière sur les escaliers d’une pagode... Bref j’ai vécu une aventure assez rocambolesque qui m’a appris beaucoup de choses. Peut-être même plus que ce que j’aurais appris sur les bancs d’un amphithéâtre à Paris ou à Genève.

Alors, pour ceux qui hésitent à quitter le chemin tout tracé des études, ne serait-ce même que pour an, partez. Après tout, ce n’est qu’un an. L’université sera toujours là à votre retour, mais vous, vous n’aurez qu’une fois 19 ans.

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