GLORIFICATION D'UNE PERSONNE APRÈS SA MORT
Par Charlotte Bannerot
Publié le 26 oct. 2021
Le 3 octobre 2021, l’homme d’affaires et politicien français, Bernard Tapie est décédé des suites d’un cancer généralisé. Les hommages de célébrités et d’anonymes se sont très rapidement multipliés. Beaucoup l’ont surnommé “l’homme aux mille vies”, “le rebelle”, “le déterminé” et même encore “le héros”. Considéré par un grand nombre comme un modèle de réussite à suivre, la plupart des hommages évoquent un homme d’affaires ambitieux, digne, qui a valorisé le sport et bousculé les codes de l’entreprenariat.
Quelques heures après l’annonce de sa mort, Emmanuel Macron lui a également rendu hommage au travers d’une lettre ouverte. Il y parle d’un homme ayant “conquis la France et l’Europe” et dont “l’ambition, l’énergie et l’enthousiasme furent une source d’inspiration pour des générations de français”.
Lorsqu’une personnalité publique meurt, il est habituel de voir s’effacer les polémiques qui l’entourent pour laisser place aux honneurs et célébrations, du moins pour un temps. Toutefois, quand une célébrité est très controversée, les hommages rendus doivent-ils être unanimement positifs ou la retenue doit-elle être de rigueur ? C’est notamment la question que l’on peut se poser après le décès de Bernard Tapie. On peut naturellement saluer l’homme, sa combativité face à la maladie, ses multiples réussites et l’extraordinaire variété des domaines dans lesquels il s’est épanoui. Pour autant, faut-il faire abstraction des procédés douteux qu’il a pu mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs, notamment ceux pour lesquels il s’est vu condamné ?
Bernard Tapie a été le sujet de plusieurs enquêtes et affaires judiciaires pour cause de fraude fiscale, abus de biens sociaux, tentative de corruption ou encore détournements de fonds. L’une des affaires les plus connues est celle appelée VA-OM, qui concerne une tentative de corruption organisée par Bernard Tapie dans le cadre d’un match de football de championnat. En 1993, M. Tapie, à l’époque président de l’Olympique de Marseille, a corrompu certains joueurs de l’équipe de Valencienne afin qu’ils lèvent le pied lors du match qui les oppose à son club. Lors du procès, il a été condamné à deux années de prison dont huit mois ferme.
Dans le cas des célébrités appartenant plutôt au monde du sport ou de l’art, on peut pratiquer l’exercice intellectuel qui consiste à « séparer l’homme de l’œuvre ». En effet, il est possible de condamner les agissements d’une personnalité, tout en reconnaissant que son travail a de la valeur ; cela ne signifie pas pour autant que l’on souhaite continuer à donner du crédit à ses œuvres, on peut simplement admettre que cette personne est talentueuse. En ce qui concerne Bernard Tapie, cette distinction ne peut pas s’opérer puisque sa personnalité est au centre de ses réalisations.
Les hommages rendus semblent donc glorifier un homme qui n’a pas toujours été dans les règles, qui s’est souvent écarté des valeurs sportives, de la morale et du droit. De plus, de nombreuses “réussites” de Tapie, citées au sein des différents hommages, dissimulent des combines plutôt malhonnêtes et souvent condamnables. En fin de compte, l’hommage posthume qui lui a été rendu est trop univoque, déséquilibré et ne rend pas compte des multiples facettes de sa personnalité.
Par Charlotte Bannerot